Le système de prévoyance suisse est un grand sujet de préoccupation de nos jours. Les Suisses s’inquiètent du financement de ce système et notamment de l’AVS, qui vient d’être réformée après la votation du 25 septembre 2022. L’une des principales raisons des problèmes de financement du système de prévoyance est l’évolution démographique. L’espérance de vie a augmenté, on vit de plus en plus vieux, additionné au fait que le nombre d’enfants par famille a diminué et vous obtenez un déséquilibre entre les cotisations et les pensions versées.
La prévoyance est un sujet qui préoccupe, et pourtant, certains s’en désintéressent et parfois ne perçoivent pas l’intérêt de mettre en place des actions en amont afin de se garantir un niveau de vie à la retraite. Comprendre le système de prévoyance, c’est comprendre le système des 3 piliers, et ce, que vous soyez salarié ou indépendant. Toutefois, les indépendants ne bénéficient pas de la même couverture de prévoyance que les salariés et il leur appartient de mettre en place des mesures adéquates. Alors revenons sur ces 3 piliers, d’une importance telle, qu’ils sont inscrits dans la Constitution fédérale de la Confédération suisse avant de déterminer le choix à faire en matière de prévoyance pour les indépendants.
Obligatoire ou facultatif : comment fonctionne le système de retraite des indépendants ?
La première des questions est de savoir si les 3 piliers sont obligatoires ou facultatifs ? Pour lever tout suspens, la réponse est que seul le 1er pilier est obligatoire pour un indépendant ! De toute évidence, sans mesures facultatives et personnelles, un indépendant peut se retrouver dans une situation financière compliquée au moment de la retraite.
L’AVS : un premier pilier pour tous !
Les personnes qui exercent une activité lucrative en Suisse (frontaliers et travailleurs étrangers y compris) ; ainsi que les autres personnes domiciliées en Suisse, soit les enfants et les personnes sans activité lucrative, sont obligatoirement assurées à l’AVS – Assurance-vieillesse et Survivants.
Toutes les personnes assurées à l’AVS sont tenues de payer des cotisations, à l’exception des enfants qui sont assurés et ont droit aux prestations sans pour autant être soumis à l’obligation de cotiser. Les personnes sans activité lucrative doivent payer des cotisations à partir du 1er janvier qui suit l’année de leur 20ème anniversaire, et ce, jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite ; à savoir 65 ans pour les hommes et 65 ans pour les femmes à compter du 1er janvier 2024 (réforme AVS 21).
Pour être considéré comme indépendant, au sens de l’AVS/AI/APG, il est nécessaire :
- d’agir en son nom et pour son propre compte ;
- être libre dans l’organisation de son travail et d’en assumer les risques économiques.
Les indépendants sont redevables d’une cotisation minimale qui, pour 2023, s’élève à 514 francs dès lors où leur revenu professionnel est inférieur à 9.800 francs. Il s’agit de la limite inférieure de revenus pour l’application du barème progressif destiné aux indépendants. Au-delà de 58.800 francs (limite supérieure de revenus), le taux de cotisations AVS/AI/APG est de 10 %. Le nombre d’années minimum de cotisations est de 44 ans (échelle 44 au 01.01.2023 pour une rente complète mensuelle) et pourtant, il ne suffit pas à garantir une rente maximale. Depuis le 01.01.2023, la rente maximale de vieillesse et d’invalidité est de CHF 2.450. Ainsi, il sera impossible de percevoir plus que cette rente maximale au titre du 1er pilier. Il est souvent considéré que la pension de retraite du pilier AVS correspond à 40 % de vos revenus antérieurs. Ainsi, il sera difficile de conserver un niveau de vie équivalent.
LPP : un 2ème pilier obligatoire pour les salariés, qu’en est-il des indépendants ?
Le suspens ayant été levé précédemment, vous savez d’ores et déjà que le 2ème pilier LPP n’est en rien obligatoire pour les indépendants. Il a pour but de maintenir le niveau de vie habituel lors de la retraite, de fait premier et deuxième pilier couvrent ensemble près de 60% du dernier salaire. Pour rappel, les salariés ne sont pas tous obligatoirement affiliés à une prévoyance professionnelle de manière obligatoire. Seuls les salariés dont le revenu annualisé est supérieur CHF 22.050 sont obligatoirement soumis à la LPP, les autres peuvent décider de s’affilier de manière facultative. De ce fait, les personnes qui exercent une activité de manière indépendante ont la possibilité de s’assurer à titre facultatif afin de se constituer un capital retraite, mais également de se garantir contre les risques décès et invalidité. Cette règle sur l’assurance facultative LPP est énoncée dans l’article 4 de la Loi sur la Prévoyance Professionnelle au 1er alinéa. Les cotisations versées par un indépendant au titre de sa prévoyance professionnelle peuvent être déduites du bénéfice imposable de l’entreprise à hauteur de ce qui correspond à la part employeur (à savoir 50 %). En effet, dans le cadre d’un salarié, il y a une mutualisation de la cotisation LPP, l’employeur prend 50 % à sa charge et le salarié reste redevable des 50 autres. Cela signifie que la part employeur représente une charge d’exploitation en matière d’impôts directs perçus par la Confédération, les cantons et les communes. Les cotisations de l’indépendant destinées au financement des prestations de vieillesse ne doivent pas dépasser annuellement 25 % du revenu AVS assurable (CHF 882.000 en 2023), soit potentiellement 220 500 francs par an, déductibles du revenu imposable.
La prévoyance privée : une nécessité pour les indépendants
Les piliers AVS/AI/APG et LPP permettent de couvrir au maximum 60 % des revenus antérieurs. Pour pallier cette baisse de 40 % des revenus, il est fortement recommandé de souscrire à un contrat de prévoyance individuelle liée. Par contre, en tant qu’indépendant, vous n’êtes pas soumis obligatoirement à la LPP, de fait, sans mesures de votre part, vous pourriez ne percevoir que la part de retraite AVS, ce qui serait très certainement insuffisant.
La prévoyance privée, ici, prend tout son sens. Si elle est d’une réelle nécessité en tant que salarié, elle l’est d’autant plus pour les indépendants qui ne seraient pas affiliés à une prévoyance professionnelle facultative.
D’ailleurs, lorsque l’on parle du système de prévoyance suisse, on parle de 3 piliers, ce qui laisse déjà sous-entendre l’importance des trois et pas simplement de l’AVS ou autres. Si la prévoyance individuelle n’est en rien une obligation de la part de la Confédération, elle en admet l’importance notamment en l’inscrivant dans la Constitution. Afin d’inciter, qu’il s’agisse de salariés ou d’indépendants, à conclure un contrat de prévoyance liée, la Confédération octroie des avantages fiscaux. Ainsi, les cotisations versées sur une police 3A peuvent être déduites de votre revenu imposable à hauteur de :
- pour les personnes affiliées à un système de prévoyance professionnelle, le nouveau montant de la déduction fiscale 3A 2023 est de CHF 7.056 ;
- pour les personnes non affiliées à un système de prévoyance professionnelle, le nouveau montant de la déduction fiscale 3A 2023 est de CHF 35.280 sans excéder 20 % des revenus d’activité lucrative.
En tant qu’indépendant, faut-il cotiser à un 2ème pilier facultatif ou une prévoyance privée liée ?
Que faut-il choisir, en tant qu’indépendant, entre une LPP facultative ou une prévoyance privée ? Le choix peut être étroitement lié aux résultats de votre entreprise. Plus votre entreprise génère du revenu, plus il peut être intéressant de souscrire une LPP facultative et une police 3A pour laquelle le plafond de déduction sera celui applicable à la majeure partie des salariés. Le coût de la LPP devra être assumé dans sa totalité par l’indépendant, ce qui représente une charge lourde, notamment si les revenus de l’entreprise ne sont pas suffisants. L’avantage fiscal à choisir la LPP facultative est conséquent.
A l’inverse, les indépendants qui dégagent un revenu faible ont plus d’intérêts à souscrire une prévoyance privée liée et de bénéficier de l’avantage fiscal octroyé aux personnes non affiliées à une prévoyance professionnelle.
Dans tous les cas, que vous soyez salarié, indépendant avec des revenus élevés ou plus bas, la souscription d’une police 3A est essentielle pour vous garantir un capital et vous permettre de pallier les lacunes des 1er et/ou 2ème pilier.